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Le Zoroastrisme et introduction aux textes indiens

le mercredi 1er décembre 2004

par Odon Vallet
Professeur d’Histoire des Religions à la Sorbonne

Aujourd’hui, nous allons parler du Zoroastrisme et faire une petite introduction aux textes indiens puisque nous étudierons, dans la prochaine conférence, les textes sacrés de l’Hindouisme et duBouddhisme.

Introduction géographique et historique

Je partirai du mot" Inde ". L’Inde est un mot qui vient du fleuve l’Indus, fleuve, qui coule à l’Ouest de l’Inde, longe l’Himalaya et, à l’heure actuelle, coule dans l’état du Pakistan, de l’extrême nord jusqu’au sud de Karachi.

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L'Inde, Upanishads, Insigne Zoroastre

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L'Indus

" Indus " vient de" Sindhu ", mot sanscrit qui signifie "rivière ". 
De ce mot" indus " viennent" Inde "," Indien ", et même" Hindouisme ", un mot qui a été forgé par les Anglais au 18ème siècle pour désigner la religion majoritaire de l’Inde, dans la mesure où l’Hindouisme est l’une des composantes de l’indianité.

Il est quand même à remarquer que un fleuve donne son nom à un pays. En France, en général, les rivières donnent leurs noms à des départements. Là, c’est un des plus grands fleuves du monde qui donne son nom à l’un des plus grands pays du monde, et le deuxième par la population.

Ce n’est pas le cas du Nil. L’Égypte est un don du Nil, mais Égypte et Nil sont deux mots différents. Ce n’est pas le cas non plus de l’Amazone qui est une région d’Amazonie, mais il n’y pas un grand pays qui s’appelle Amazonie.

Il y a donc quelque chose de très fort en Inde : l'importance de la rivière et des couples" fleuve-montagne ". 
En Inde, les fleuves sont souvent sacrés, mais les montagnes le sont aussi. Or, les plus hautes montagnes de la planète se trouvent au Nord de l’Inde, tel l’Himalaya d’où sont issus les fleuves comme l’Indus, le Gange et son affluent, la Yamunâ, mais aussi le Brahmapoutre, le fleuve dédié au dieu Brahmâ. 
Le Mékong prend également sa source dans l’Himalaya avant d’arroser la Chine, la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. 
Le Yangtsé, en Chine, le fameux" fleuve bleu ", prend lui aussi sa source dans l’Himalaya.

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Bramapoutre et Himalaya

Il y a donc un couple" mer-montagne ". La vie vient de l’eau issue de la fonte des neiges. Neige en sanscrit se dit" Himal ", d’où Himalaya. Ces montagnes sont elles-mêmes sacrées. Par exemple,l’Annapurna, c’est la déesse de l’Abondance.

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L'Annapurna

En Inde, l’Histoire est inséparable de la Géographie. Parfois, on dit que l’Inde est un pays qui n’a pas de chronologie. C’est extrêmement difficile de situer la chronologie en Inde, à la différence de la Chine ou de l’Égypte, pays où les chronologies sont très précises en raison de leurs dynasties. En revanche, l’Inde n’ayant pas été un état unifié avant 1947, il y a peu de chronologies disponibles, mais la géographie est omniprésente. La culture est indissociable de la nature.

L’Indus a justement laissé son nom à une civilisation, la" civilisation de l’Indus " qui s’étendait le long du fleuve Indus, du sud au nord, jusque même à la Haute Vallée du Gange, qui est très proche de l’Indus. Cette civilisation a existé entre 2500 et 1500 ans avant Jésus-Christ, avec quelques grands sites, des villes comme Mohenjo-Daro et Harrapa. Le plus intéressant est que cette civilisation a des accointances avec le Proche-Orient agricole, le croissant fertile.

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Mohenjo-Daro et statue d'Harrapa

Pourquoi ? Parce que l’agriculture, née au Proche-Orient vers 8000-9000 avant Jésus-Christ, a progressé en gros d’un kilomètre par an vers l’ouest et vers l’est. Vers l’ouest, jusqu’en Gaulle. Vers l’est, probablement jusqu’en Inde. Certains archéologues indiens l’ont nié, et ont voulu faire de l’agriculture indienne une sorte de foyer autonome. Il y a des fouilles à Mergarh, des fouilles françaises, qui ont montré l’existence d’une agriculture primitive en Inde au 6ème millénaire avant Jésus-Christ. Cependant, cette agriculture semble avoir un lien avec le Proche-Orient, et on est à peu près sûrs que la civilisation de l’Indus est, en partie, issue du Proche-Orient et, plus précisément, de la Mésopotamie.

Ici, l’Histoire rejoint la Géographie.
Pourquoi la civilisation est-elle arrivée plus tôt en Europe et en Asie que dans des continents comme l’Afrique et l’Amérique Latine ? C’est essentiellement parce que l’Eurasie est est-ouest. C’est-à-dire que, sur une même latitude, on peut voyager pendant des milliers de kilomètres. Alors que l’Afrique et l’Amérique Latine sont nord-sud.
Ce qui veut dire clairement que lorsque l’agriculture naît, par exemple quelque part en Syrie du Nord vers 8000-9000 avant Jésus-Christ, elle va pouvoir s’étendre vers l’est et vers l’ouest à la même latitude, et donc dans des climats relativement comparables.

Par contre, en Afrique ou en Amérique Latine, ce n’est pas du tout le cas. 
Ce qui explique que les foyers néolithiques de Méso-Amérique, du Mexique, par exemple, ont eu beaucoup de difficultés à s’étendre vers le sud ou vers le nord du continent.

À tel point d’ailleurs que, dans l’Amérique du Nord qu’ont découverte les Européens au 16ème ou 17ème siècle, il n’y avait presque pas d’agriculture. De même, vers le sud, l’agriculture mexicaine n’a pas pu descendre tout au long du continent. Donc, il y a cette orientation est-ouest de l’Eurasie.

Cela se voit bien dans la civilisation de l’Indus où non seulement il y a une agriculture, mais aussi des liens religieux avec la Mésopotamie, avec la figure du"roi-prêtre", avec des statues qui ressemblent beaucoup à celles de Mésopotamie, avec des sceaux-cylindres, avec un peu d’écriture non encore déchiffrée.

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Roi prêtre et sceaux cylindres

Cette civilisation de l’Indus, reliée vraisemblablement à la Mésopotamie par la voie maritime, a disparu vers 1500 avant Jésus-Christ. C’est important, car il n’y a plus de traces d’écriture en Inde entre 1500 avant Jésus-Christ et 250 avant Jésus-Christ, époque des fameuses stèles de l’empereur Ashoka. 
On pense que l’Inde n’a pas connu l’écriture, qu’elle a disparu. Ce n’est pas prouvé à 100%, mais c’est assez probable.

Pourquoi cette civilisation a-t-elle disparu ? On n’en sait rien. Peut-être des épidémies, des inondations, des invasions. Peut-être un changement du cours du fleuve de l’Indus, ce n’est pas impossible. Peut-être aussi d’une crise commerciale. On n’a pas d’arguments déterminants.

Exit donc la civilisation de l’Indus, et exit les villes.

Puis, entre 1400 et 1000 avant Jésus-Christ, des peuples dits" de la steppe ", venant probablement du sud de l’Oural, descendent vers l’Iran.

L’Iran tire son nom du mot" arya ", qui a donné les aryens, et qui signifie en gros," noble ". Après l’Iran, ces peuples vont vers l’Inde du Nord et la vallée du Gange, qui coule ouest-est, jusqu’à son delta qui se confond avec celui du Brahmapoutre.

Progressivement, ces Indo-iraniens vont se scinder.

Il y aura les Iraniens d’un côté, et de l’autre les Indiens. 
Leurs langues sont apparentées – on parle de langues" indo-iraniennes ", sous-groupe des langues" indo-européennes " -, mais leurs religions sont différentes même si, à l’origine, elles étaient probablement sinon identiques, du moins ressemblantes.

Exemple : 
On prend en sanscrit le mot" Deva " qui veut dire" dieu ", et le mot" devi " qui veut dire "déesse". Eh bien, la" Daeva " en vieux persan signifie" démon ". 
On prend à l’inverse le mot sanscrit" asura " qui veut dire" démon ". 
Par contre, dans les langues iraniennes archaïques, ce qu’on appelle l’Avestique,"ahura" signifie"dieu".

Pourquoi ces phénomènes ? Pourquoi cette divergence entre des gens qui, à l’origine, avaient probablement une civilisation commune ?

L’Iran a été dominé, à l’époque historique, par les Mèdes, puis par les Perses, qui ont formé un empire à partir du 6ème siècle avant Jésus-Christ. Un empire très organisé, un empire avec des provinces, les fameuses" satrapies ", et un empire qui, progressivement, a constitué sa propre civilisation qui a été fermée aux apports extérieurs.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les réformes religieuses de l’Inde n’ont pas pu toucher cet empire perse.

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Les Mèdes et les Perses

En revanche, le Bouddhisme s’est étendu vers l’Est (la Corée, la Chine, le Japon), mais, vers l’Ouest, il est venu buter sur l’empire perse. Il s’est étendu au maximum au nord de l’actuelAfghanistan, le site de" Aî Khanoum ", où se trouvait Pompidou le 3 mai 1968 quand les événements se sont déclenchés. Cela a été l’avancée extrême du Bouddhisme vers l’ouest. Mais après, l’empire perse a été imperméable à certaines influences indiennes.

Quant à l’Inde, elle s’est organisée d’une manière très différente de la Perse, et encore plus différente de la Chine. 
L’Inde n’a pas formé un grand empire. Elle a été organisée en petits royaumes ou en petites républiques. Il est d’ailleurs très probable que le Bouddha était non pas fils de roi, comme le disent les légendes, mais fils de chef de clan ou de chef de petite république aristocratique. Il n’y a jamais eu d’unité indienne totale avant 1940.

L’Indus est donc devenu une zone tampon, presque une zone frontière, entre deux civilisations et deux types de religions. A l’ouest de l’Indus, il y a eu les religions de la résurrection. On verra plus avant le Zoroastrisme. On peut penser aussi au Judaïsme, au Christianisme, à l’Islam. A l’est de l’Indus, il y a eu les religions de la réincarnation.
Cette frontière de l’Indus s’est maintenue au cours des âges.

Le point commun est que, même s’il y a différence entre résurrection et réincarnation, il y a un point commun important : on ne ressuscite pas sans mourir. 
« Si le grain ne meurt ", dit l’Évangile.

Or, jusque là, on pensait plutôt à l’immortalité qu’à ressusciter ou à se réincarner. Bien sûr, les Égyptiens parlaient déjà, comme beaucoup d’autres civilisations, d’une vie après la mort. C’est vrai. Les Égyptiens en parlaient surtout pour les nobles, les pharaons. 
Ce n’est pas tout à fait ce qu’on appelle la résurrection, encore moins la réincarnation.

On pense qu’il y a eu en Iran, avec la résurrection, en Inde, avec la réincarnation, vers le 6ème siècle avant Jésus-Christ, une révolution religieuse.

Ce 6ème siècle avant Jésus-Christ est capital. 
Il y a le Bouddha, le Jina, fondateur du Jaïnisme, Lao-Tseu en Chine, Confucius, probablement Zoroastre, la réforme du Judaïsme, c’est un siècle très important.

On pense qu’en Iran, et peut-être encore plus en Inde, il y a eu une révolution religieuse liée à l’urbanisation. 
Pourquoi ?
On peut dire que la vie après la mort, c’est une démocratisation de la vie éternelle. Des rois éternels, des empereurs éternels, il y en avait toujours. Désormais ces religions disent au commun des mortels," vous aurez une vie après la mort ". Mais dans le même temps, elles disent :" Attention, si vous voulez avoir une bonne vie après la mort, il faut faire le bien. Sinon, vous aurez une mauvaise vie ". Cela signifie très clairement que ces religions sont des religions éthiques, morales.

Auparavant, on avait tendance à dire :" Si vous voulez vivre vieux, avoir du bonheur, faites des sacrifices aux dieux, sacrifiez des chevaux, du bétail ". Aujourd’hui, on dit :" Faites des sacrifices intérieurs, sacrifiez vos pulsions de haine, d’envie. Tenez-vous tranquilles. Obéissez bien ". Plus une ville est grande, plus une région est peuplée, plus il faut un ordre social. Et il n’y a pas d’ordre social sans ordre moral. On verra à propos de l’Inde que le social, le moral et le légal se rejoignent dans la religion.

Voilà ce qui conduit à une certaine soumission des êtres humains dans la vie présente pour une meilleure vie future.
Auparavant, on disait :" Pour vivre vieux, on va boire de l’ambroisie, un nectar, une boisson sacrée, une jouvence ". 
Désormais, on dit :" Non, ce n’est pas bien. L’important, c’est de faire le bien, accepter de mourir pour avoir une autre vie ".


LE ZOROASTRISME

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Zoroastre ou Zarathoustra

« Zoroastre ", nom grec de" Zarathoustra ", (nom persan) signifie" astre d’or ".
Qui était Zarathoustra ? On ne sait pas vraiment. On a fixé ses dates de vie entre le 10ème siècle et le 6ème siècle avant Jésus-Christ, peut-être le 7ème. Il est probable qu’il était originaire de l’est de l’empire iranien, c’est-à-dire du nord de l’Afghanistan. L’Afghanistan est très important dans l’histoire des religions.

Il a été comme souvent, non pas un fondateur, mais un réformateur de la religion iranienne. Ce Zoroastrisme a eu une influence qu’on connaît mal pendant des siècles, faute d’inscriptions suffisantes. Peut-être c'était une religion ésotérique qui ne notait pas ses textes. On connaît donc mal son influence.

On est à peu près sûr qu’il existait au temps de Darius et de Cyrus, mais on ne sait pas dans quelle mesure Cyrus et Darius étaient ou non zoroastriens, c’est très mal connu.

On sait par contre que, progressivement, le Zoroastrisme a gagné du terrain en Iran et est devenu la religion officielle de la dynastie" Sassanide ", qui a régné sur cette région entre 226 et 651 après Jésus-Christ, c’est-à-dire au moment de l’arrivée des Arabes.
Le texte sacré de cette religion est l’" Avesta ", nommé également" Zend ", Avesta qui a même donné son nom à une langue, l’" Avestique ", langue persane archaïque qui a été utilisée pour écrire ces textes presque mille ans plus tard. C’est comme si, aujourd’hui, un fondateur de religion écrivait en latin.

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Avesta

Donc l’Avesta a un contenu, qui a certainement été véhiculé de manière orale comme toujours dans les religions, qui a été mis par écrit probablement vers le 3ème siècle après Jésus-Christ, c’est-à-dire mille ans après la vie de Zoroastre. C’est le record mondial des religions. 
Le texte écrit le plus rapidement a sans doute été Le Coran, suivi par certains passages du Nouveau Testament . Les textes bouddhiques ont vraisemblablement été mis par écrit trois siècles après la mort du Bouddha. 
Là, c’est dix siècles après la vie de Zoroastre !

Ces textes de l’Avesta ont été inconnus de l’Occident pendant longtemps, ce qui explique que la théologie et la philosophie occidentales n’y font jamais allusion. 
On connaissait juste un petit peu des textes du" Manichéisme ", la religion du prophète Mani qui fait un peu référence à Zoroastre, et dont on a retrouvé certaines version en chinois. Mais les textes du Zoroastrisme étaient inconnus.

L’Avesta a été découvert par un linguiste, Anquetil-Duperron, en 1754, près de Bombay, en Inde, où il y avait – et il y a toujours – une communauté de Zoroastriens qu’on appelle les" Parsis ", petite communauté de moins de 100.000 fidèles. Si on y rajoute quelques dizaines de milliers en Iran encore, à Yazd, et quelques milliers du côté de la mer Caspienne, voilà ce qui reste d’une des plus importantes religions dans l’histoire de l’humanité : 150.000 fidèles, tout au plus.

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Les Parsis

Etant donné ce que nous avons dit sur le caractère tardif de la mise par écrit de l’Avesta, du caractère très tardif de sa découverte, nous devons être prudents. Rappelons que lorsqu’on fait réagir deux demi vérités ensemble, on obtient trois-quarts d’erreur. Il y a notamment un énorme problème. 

Puisque l’Avesta a été mis par écrit, semble-t-il, vers le 3ème siècle après Jésus-Christ, le Zoroastrisme a-t-il influencé le Judaïsme et le Christianisme, ou est-ce l’inverse ? N’y a-t-il pas dans l’Avesta, des traces de Judaïsme et de Christianisme. En d’autres termes, est-ce que l’Avesta ne serait pas les religions iraniennes influencées par le Judaïsme et le Christianisme.

On peut en disserter indéfiniment. D’autant que c’est un sujet très polémique et assez anti-chrétien.
Vous savez que Nietzsche a écrit" Ainsi parlait Zarathoustra ", un livre magnifique, aussi beau que faux, car la manière dont il présente Zarathoustra n’a rien à voir avec l’Avesta.

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Nietzsche

Il présente Zarathoustra comme une sorte de surhomme, alors que Zoroastre est un homme de prière, d’étude, de sagesse. Il n’est nullement un surhomme sûr de lui, et encore moins l’Antéchrist, dans la mesure où, d’après l’Avesta, il y a un grand nombre de thèmes Zoroastriens qu’on retrouve dans le Judaïsme et le Christianisme.

Un certain nombre d’éléments, travaillés et retravaillés, permettent de penser quand même que le Zoroastrisme a une originalité par rapport au Judaïsme et au Christianisme.

Il y a des différences suffisamment nettes pour qu’on pense qu’il n’a pas trop emprunté au Judaïsme et au Christianisme, et que, à l’inverse, il a pu influencer le Judaïsme, notamment lors de l’exil des Juifs à Babylone où l’on connaissait le Zoroastrisme qui avait débordé vers la Mésopotamie.

On peut dire que la religion iranienne d’avant Zoroastre était polythéiste, que, progressivement, elle a évolué vers un hénothéisme, c’est-à-dire un dieu unificateur, puis vers un certainmonothéisme, mais il faut être extrêmement prudent. Le texte retrouvé par Anquetil-Duperron est probablement uniquement un quart du texte initial.

Il y a une différence avec Israël, où le polythéisme coexistait avec le monothéisme. La Bible nous parle beaucoup des divinités des montagnes, des pierres dressées, des cultes polythéistes qui subsistaient malgré le monothéisme du Temple de Jérusalem.

La religion Zoroastrienne aurait donc marqué une évolution générale vers un hénothéisme, puis vers un monothéisme, mais cela
n’exclut pas que d’autres dieux aient pu subsister.

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Mithra 

Parmi ces dieux, il y en a un très important : Mithra. Le fameux Mithra, le dieu des contrats. Primitivement, c’était un dieu très vénéré. 
Il semble qu’il ait quasiment disparu ou que, dans le cadre de ce mouvement vers le monothéiste, il ait été relégué au rang d’esprit supérieur et qu’ ensuite, il ait fait une réapparition tardive pour donner une nouvelle religion," le culte de Mithra ", très répandu dans l’empire romain.

On voit donc que cette marche progressive vers le monothéisme n’est pas exclusive de la subsistance d’autres cultes qui ont pu reprendre de l’importance par la suite. Le chemin général vers le monothéisme n’est pas à sens unique. Il peut y avoir, notamment dans ce cas précis, un certain nombre d’autres cultes.

Regardons de plus près cet Avesta. Dans sa forme, c’est un code religieux, juridique et liturgique, sacré et profane. Il contient des textes d’adoration et surtout des chants, des" ghathas ". 
Le Zoroastrisme est probablement la religion du monde dans laquelle la musique tient la plus grande place.

Ces textes, ces hymnes, ces chants sont adressés à un dieu, mais aussi à des génies, à des êtres intermédiaires dont il est extrêmement difficile de définir le statut. 
Ce qui veut dire que, à la question :" qui est dieu ? ", ou" qui sont les dieux ? " dans l’Avesta, on n’a pas de réponse simple.

La seule certitude, et elle est capitale, c’est que dans le Zoroastrisme, il n’y a pas de dieux à visage humain, ce qui avait frappé Hérodote. Les dieux n’ont pas de statues. Les dieux, ou le dieu, n’ont pas de corps humain, comme dans le Judaïsme, et à la différence de la religion gréco-romaine. Il n’y a pas de forme humaine, de visage humain de dieux, comme il n’y en avait pas dans la religion indienne, le Védisme. Pas de statues, pas de monuments, pas de traces en pierre. C’est pourquoi il est si difficile de caractériser ce Zoroastrisme.

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Ahura-Mazda

Sur le fond, d’après l’Avesta, ce Zoroastrisme nous parle d’un seigneur sage, Ahura-Mazda, comme les piles Mazda, qui est un dieu du Bien. D’autre part, il y a un esprit du Mal, qui a changé de nom au cours des siècles. 
Il s’est appelé Angra-Mainyu, qu’on a contracté en" Ahriman ". Ce point est capital.
Pourquoi ? 
Auparavant, les dieux étaient à la fois bons ou mauvais. Prenons par exemple Zeus qui est violent, qui enlève Europe. On verra, pour la religion indienne, que les dieux ont aussi une forme terrible, une forme secourable, et sont à la fois bons ou méchants.
Là, pour la première fois, il y a un dieu infiniment bon. Et, à l’inverse, il y a un démon qui est infiniment mauvais. 
Le problème est qu’on ne sait pas quels sont leurs liens de parenté. À une époque du Zoroastrisme, le seigneur sage, le dieu du Bien, a eu un fils qui a été un esprit saint, et qui a eu un frère jumeau qui était l’esprit du mal. Donc le Bien et le Mal étaient les fils jumeaux du seigneur sage. Et, à une autre époque, le démon, Ahriman, a été le frère jumeau du seigneur sage. Il n’a donc plus été son fils, mais son frère. Ce qui montre bien qu’il y a eu une espèce de modification dans la parenté du Bien et du Mal.
Soit on peut dire qu’un homme engendre du bien et du mal. Il a un bon fils et un mauvais fils, comme Caïn et Abel. Soit, on peut dire que le bien et le mal étaient antérieurs à la génération. Il se trouvait déjà avant même l’acte d’engendrer.

D’après ce texte de l’Avesta, l’homme, avec l’aide des anges, les" Fravashis ", doit choisir le Bien. À partir du moment où une religion progresse vers le monothéisme, il n’y a plus qu’un seul dieu et il faut bien des êtres intermédiaires. 
Dans le polythéisme, vous avez des tas de divinités et de dieux en Inde, dans le panthéon romain ou grec, beaucoup de dieux. S’il n’y en a plus qu’un seul, il faut des êtres intermédiaires. Les fravashis pour le Zoroastrisme, les anges et les archanges, Gabriel, Raphaël dans la Bible, peut-être influencé sur ce point par la religion iranienne, les djinns, les esprits bons ou mauvais dans le Coran.

Avec le Zoroastrisme, on voit l’importance de ces êtres intermédiaires. Avec l’aide ces anges, l’homme doit choisir le Bien par la pensée, par la parole, par l’action. C’est très curieux car il y a des prières chrétiennes qui reprennent ce triptyque qu’on voit sans arrêt dans l’Avesta. 
L’homme doit se détourner du pêché et faire pénitence en demandant la miséricorde. 
S’il fait tout ça, ça va lui être utile, car il y aura ce qu’on appelle la" Rénovation ", c’est-à-dire la fin du Monde, une forme d’Apocalypse.

L’Apocalypse est un genre littéraire iranien, qui a probablement influencé les apocalypses juives, notamment celle de Qumran, et pourquoi pas l’Apocalypse de Saint Jean. Lors de cette rénovation finale, il y aura un retour de" l’âge d’or ". Ce qui veut dire qu’il y a une pensée plus ou moins cyclique, le retour d’un âge d’or. Comme dans la pensée indienne, et à la différence de la pensée judéo-chrétienne qui n’est pas cyclique mais linéaire.

Toutefois, cette pensée cyclique, ce retour de l’âge d’or n’est pas une manière de tourner en rond, puisque cet âge d’or sera précédé par un jugement. La vie de l’âme va évoluer. Avant le retour de l’âge d’or, chaque âme va aller dans la" Demeure des chants " qui est le Paradis, nommé" Garonmana ", après un passage sur le" pont du trieur ". Sur le pont du trieur, les méchants tombent sous le poids de leurs pêchés, car chaque faute a un poids. C’est un peu comme la pesée de l’âme chez les Egyptiens. Plus vous avez de pêchés, plus ça pèse lourd. Donc, vous tombez dans l’Enfer, qui est d’ailleurs très froid.

Mais l’Enfer et le Paradis ne sont pas éternels. Ils durent seulement mille ans car, après, il y a le retour de l’âge d’or. Ceci est très important car dans l’Islam, l’Enfer n’est pas éternel. Il est probable que c’est une influence zoroastrienne.

Le paradis Mazdéen est un paradis très musical. 
Pour prendre un exemple, c’est un peu le film des" Choristes ", car les belles musiques sont la récompense des bonnes paroles. Dans" Les Choristes ", pourquoi ces enfants, qui sont des voyous, se mettent-ils à bien chanter ? Parce que leur professeur, Gérard Jugnot, va leur parler un langage vrai. Alors que leurs autres professeurs les engueulaient, les battaient, il va trouver les bonnes paroles pour se faire comprendre de ces enfants. Et en retour de ces bonnes paroles, il aura de la bonne musique.

C’est pareil dans l’Avesta. Sans arrêt, les textes avestiques nous disent qu’il faut avoir de bonnes paroles. Le pire pêché est le mensonge, car le mensonge ne permet pas la vie en commun. Si tout le monde se met à mentir à l’autre, il n’y a pas de vie en société possible. Et si vous mentez, vous irez en Enfer. Et en Enfer, le pire des châtiments est ce qu’on appelle" les voix lamentables ". Tout le monde chante faux et nous casse les oreilles.
Au moment du retour de l’âge d’or, un prophète viendra. Il s’appelle" Saoshyant ", et il est le dernier des prophètes. Né d’une vierge, il ressuscitera non plus les âmes, mais les corps.

Première étape : vous allez au paradis, belle musique, ça c’est pour l’âme.
Deuxième étape : retour de l’âge d’or et résurrection des corps.
Notons bien que c’est pareil dans le Christianisme. A la fin des temps, il y a la résurrection de la Chair. Notons bien que l’histoire du dernier des prophètes, l’Islam s’en est emparé. Mohamed est le dernier des prophètes.

Et qui reviendra à la fin des temps juger les vivants et les morts ? 
Pour les Chrétiens, c’est le Messie. Pour les Chiites, c’est le Mahdi, le dernier des imans.

On pense que le Zoroastrisme a beaucoup influencé sur ces points-là le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, mais on ne peut pas exclure que l’Avesta ait été aussi influencé par le Judaïsme et les premiers Chrétiens. De même, le thême de la jeune fille pure (daena) se retrouve dans la religion iranienne, le Christianisme (la Vierge Marie) et l'Islam (les jeunes vierges du jardin d'Allah).

INTRODUCTION AUX TEXTES INDIENS

Pour faire le lien, je dirai que dans la religion de Zoroastre, ce culte du seigneur sage, Ahura-Mazda, il y a un problème non résolu. Il s’agit du rôle des prêtres.

On pense, en effet, que si Zoroastre a réformé la religion iranienne, c’est qu’il n’était pas d’accord avec les prêtres. Bouddha a réformé la religion indienne car il n’était pas d’accord avec lesBrahmanes. Jésus a réformé le Judaïsme car il n’était pas d’accord avec les prêtres du temple de Jérusalem.
Donc, Zoroastre a probablement eu des différents avec les prêtres. Mais, dans la religion de Zoroastre, les mages, qui sont les prêtres, jouent un rôle important. Ces mages, qu’on retrouve près de la crèche de Jésus, font des sacrifices et boivent la boisson d’immortalité, le" haoma ". D’une certaine manière, on peut penser que le Mazdéisme qui a, sans doute, été à l’origine une religion dirigée contre les prêtres, est devenu une religion cléricale.

Exactement comme le Christianisme dirigé contre les prêtres du temple, est devenu une religion avec son clergé.

Enfin, comme le Bouddhisme qui, dirigé contre les brahmanes, est devenu la religion la plus cléricale du monde avec six ou sept millions de moines bouddhistes dans le monde.

Il y a là des points communs importants.

Un autre point est à signaler pour faire le lien avec l’Inde, c’est que le Mazdéisme, la religion Zoroastre, n’est pas missionnaire. En d’autres termes, les Mazdéens n’ont, semble-t-il, pas cherché à convertir en dehors des limites de l’empire iranien. Nous verrons que c’est important pour les religions du Védisme et de l’Hindouisme qui sont purement indiennes.

Les Mazdéens ont poussé cela très loin puisqu’ils ont pratiqué" l’endogamie ", et notamment le mariage entre cousins, voire entre frère et sœur, comme les pharaons.

Nous voici maintenant au cœur de notre deuxième partie sur l’introduction des textes indiens.

Bien sûr, je dois vous parler du Védisme. 
C’est un mot qui vient de" Veda ", qui veut dire à la fois" voir " et" savoir ". De" Veda ", racine indo-européenne, viennent le verbe latin" videre " et le verbe français" voir ".

C’est une vision qui est, à la fois, un voir et un savoir. La connaissance née du regard porté sur les choses intérieures. Et ces choses intérieures sont révélées de l’extérieur. En ce sens, le Védisme est une religion révélée.

Dans la forme, les textes védiques sont révélés à des" shrutis ", c’est-à-dire des moines. Ils sont inspirés par les divinités à des" rishis ", qui sont des sages. Les shrutis sont des auditeurs. C’est l’audition, l’écoute, qui va révéler une vérité. Et l’écoute est ici mêlée au regard. La révélation est à la fois visuelle et auditive.
C’est pourquoi la notion de méditation en Inde est un peu particulière. Ce n’est pas seulement une méditation intellectuelle, c’est aussi une méditation sensorielle.
Cette révélation a été orale. 
Il est probable que les textes védiques font état de révélations qui remontent jusqu’à 1000-1200 avant Jésus-Christ. Leur transcription s’est faite à une date inconnue, d’autant qu’on ne connaît pas d’écriture avant 250 en Inde. Il y a eu, là encore, comme pour le Zoroastrisme, une période de plusieurs siècles de transmission orale, avant la mise par écrit.
Que sont ces" Vedas ", et notamment le plus important de tous, le" Rig-Veda ", qui est le savoir des Chants ? Ces Vedas sont des chants, des hymnes, des textes liturgiques, des protocoles rituels, sacrificiels adressés à des divinités. On est dans le polythéisme.

Qui sont ces divinités ?" Agni ", le dieu du Feu," Surya ", le Soleil," Indra ", le Ciel avec ses pluies," Varouna ", la Mer et l’Océan, etc...

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Les dieux Agni, Surya et Varouna

Avec des dieux, les prêtres font des sacrifices accompagnés de prières précises et de gestes miniutieux. Quelles formules doivent être prononcées sans se tromper ? Quels gestes doivent être accomplis ?

Ceux d’entre vous qui ont visité des temples en Inde ont peut-être vu des brahmanes recommencer plusieurs fois les gestes de la prière ou du sacrifice car il y avait une petite erreur.

C’est donc une religion très ritualiste et sacrificielle.

Il est probable qu’à l’époque védique, il y avait encore des sacrifices humains. Il y avait des cultes extatiques avec des boissons enivrantes, comme le" Soma ", boisson d’immortalité. Ces sacrifices étaient accomplis par des prêtres.

On sait à peu près comment était organisée cette société védique. Il y avait des prêtres, les"brahmanes ", les guerriers, les" kshatriyas ", qui, en fait, sont guerriers administrateurs civils en temps de paix, et les" vaishyas " qui sont des producteurs, des marchands ou des artisans, trois groupes et c’est tout.

Ces trois groupes étaient indo-européens. C’était les fameux aryens qui venaient d’Iran. Ils s’étaient répartis les fonctions, fonction religieuse, fonction militaire, fonction productive.

Et les autres ? Eh bien, ceux qui n’étaient pas indo-aryens, ceux qui étaient les populations locales, ceux qui ne parlaient pas les mêmes langues, ceux-là étaient mis en dehors.Plus tard, on leur a probablement créé un ordre inférieur, ce qu’on appelle les" shudras ", c’est-à-dire des serviteurs.

A partir de ces textes védiques, on a fait des commentaires, vers les 3ème ou 4ème siècles probablement avant Jésus-Christ, qu’on appelle les" Upanishads ".

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Les Upanishads

Ce sont les commentaires des Védas comme le Talmud est un commentaire de la Bible.
Puis, progressivement, on a introduit l’idée de vie après la mort qui n’était pas contenue dans le Védisme primitif.

Vers le 6ème siècle avant Jésus-Christ, se produit en Inde une révolution plus philosophique que théologique. 

Cette révolution concerne le Temps. Il y a une double évolution cyclique. Il y a d’abord le cycle – je préfère dire la spirale des existences parce qu’elle est, soit ascendante, soit descendante – avec une succession de réincarnations plus ou moins heureuses ou malheureuses, qui peut aller très haut ou très bas. Si on fait le mal, on peut renaître végétal, animal, voire minéral. Bon animal, bon chien, pitbull, Saint Bernard, tout est susceptible d’avoir un double aspect. Le serpent donne son venin, mais aussi le venin est une potion. Tout est susceptible d’engendrer une descente ou une remontée.

Ce qu’il y a d’important, c’est que, pour remonter très, très haut, il faut cesser d’exister, c’est-à-dire obtenir le" Moshka ", qui est l’équivalent du" Nirvana " bouddhiste. On sent bien, à ce moment-là, que comme en Iran, la morale a un rôle essentiel. Si vous avez un bon karma, donc si vous faites des bonnes actions, vous pourrez tendre vers la fin des souffrances, vers une éternité de repos bienheureux. Par contre, si vous faites le mal, vous allez renaître de manière de plus en plus pénible.

C’est une révolution fondamentale. Il ne semble pas que dans les autres pays du monde, il y ait eu de conception équivalente. 
Sauf, peut-être, un pays. 
C’est la Grèce avec, à la même époque, au 6ème siècle," l’Orphisme ", puisque Orphée descend aux Enfers puis remonte. Il y a un éternel retour et des âmes migrantes peuvent se réincarner plus ou moins haut, plus ou moins bas après des périodes de purification. 
On ne sait pas s’il y a eu un contact entre la Grèce et l’Inde à cette époque, mais cette évolution est quand même très, très importante.

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Orphée

Le deuxième bouleversement cyclique, c’est non plus le cycle ou la spirale des existences individuelles, mais le cycle ou la spirale des âges du monde. C’est-à-dire que, vers ce 6ème siècle, et surtout par la suite, apparaît l’idée selon laquelle nous vivons en une époque foncièrement mauvaise. Et cela est probablement lié au mouvement d’urbanisation qui rend la vie plus pénible, et surtout la vie sociale plus agglomérée, avec une certaine promiscuité, par rapport à une époque antérieure plus rurale qu’on a tendance à mythifier.

Et donc vient la conception de quatre âges du monde : âge d’or, d’argent, de cuivre, de fer. Le fer, c’est dur. Les temps sont durs. Notre temps est dur. Et cet âge de fer aurait commencé en 3102 avant Jésus-Christ. C’est un âge noir," Kali Yuga ". Or, en passant de l’or à l’argent, puis au cuivre, puis au fer, l’homme perd 25 % de sa vertu. Donc, en passant dans l’âge de fer, on n’a plus que 25 % de la vertu de l’âge d’or. Ce qui signifie que le bonheur et la prospérité sont liés à la vertu, et qu’on s’oriente vers une religion de plus en plus morale.

En réalité, dans le détail, c’est plus compliqué, parce que chaque ère est séparée de la suivante par des périodes intermédiaires. Mais globalement, le monde suit une pente descendante. Ce qui n’empêchera pas qu’après notre âge de fer, il y aura un retour à l’âge d’or. Ici, on rejoint la conception iranienne.
Sur ce plan, on peut penser que cette évolution, qui a également des équivalents en Iran sous forme de quatre âges et même sept âges selon certaines traditions, est une évolution qui a une signification sociale et politique. 
Cela veut dire :" Oh la, la, l’évolution ne nous est pas favorable ! Le Mal est à l’œuvre dans le monde. Il faut faire le Bien, mais nous n’y arriverons pas tout seul. Pour y arriver, il faudra une sorte de bouleversement cosmique ".

En d’autres termes, chaque individu est invité à faire le Bien, à avoir un bon karma pour mieux renaître, mais globalement c’est très difficile. Il y a là une conception très pessimiste de la nature humaine. Pour y arriver, pour retrouver cet âge d’or, il faudrait un bouleversement cosmique. L’individu ne peut pas, ni la somme des individus. Cela dépasse nos forces. L’individuel ne peut rien contre une pente descendante générale.
Ce que le Védisme tardif va appeler" retour de l’âge d’or ", le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam l’appelleront" retour du Messie ".

D’une certaine manière, le Messie doit rétablir le bonheur éternel. Le Messie, c’est un homme. Pas en Inde, où c’est un principe cosmique, ce qui est différent. Un principe cosmique qui est de l’essence du divin, mais qui n’est pas un être incarné, ni même un dieu descendu sur terre à cette époque-là.

On voit donc les lacunes de ce système : c’est pessimiste, il y a des forces cosmiques qui nous échappent et auxquelles on échappe, tout cela est commandé par des prêtres, ce n’est pas accessible à tout le monde, seuls les prêtres ont le droit de dire la prière. Il faut être né brahmane pour devenir brahmane. Il y a là un élément quelque peu clérical qui va poser des problèmes.

Nous verrons dans la prochaine conférence que ces problèmes seront résolus, à leur façon, par ces deux fondateurs ou réformateurs de religions soeurs que sont le Jina et le Bouddha, fondateurs ou réformateurs du Jaïnisme et du Bouddhisme, justement à cette époque du 6ème siècle, au moment de cette transformation philosophique, époque de bouillonnement intellectuel intense, où des philosophes athées vont naître.

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Brahma et divinités indoues

C’est au moment où les conceptions du monde de l’Inde sont en pleine effervescence, que certains vont nier l’existence même de Dieu et vont devenir des philosophes athées. 
Comme par hasard, en Grèce, c’est pareil. C’est également vers le 6ème siècle qu’on voit des philosophies matérialistes comme celles d’Épicure et de Démocrite.

On ne sait pas s’il y a eu correspondance entre ces philosophes indiens ou grecs. Nous n’en avons aucune trace, aucune preuve, c’est relativement peu probable, mais ce n’est pas non plus absolument impossible.

Ce qui est certain c’est que, face aux changements sociaux et urbains, les hommes ont eu des réponses différentes qui vont de l’existence à la négation de Dieu, de celui qui croit au Ciel et celui qui n’y croit pas. 

Cela n’a pas changé 2500 ans plus tard.

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